après tout (2012), éditions Le Caillou Bleu.

Après tout marque un tournant dans l’œuvre d’Amaury da Cunha. Saccades, sa précédente série était relativement solaire, marquée par une forme d’étonnement face au monde. La tonalité d’Après tout s’assombrit et l’étonnement y laisse place à la sidération. L’ombre envahit les images tandis que le photographe se représente aveuglé. La mort et le sexe se font moins allusifs. Un chien montre les crocs quand un rapace griffe une branche de ses serres. Pourtant, des trouées de lumière, la perspective d’une route, laissent penser que la chute peut encore être évitée. Toutes ces images sont pour l’auteur une présence d’une absolue nécessité.

Si l’état d’esprit d’Amaury da Cunha a assurément évolué, demeure une pratique. Photos captées sur le vif ou légèrement mises en scène sont la base de narrations délibérément lacunaires. La volonté déictique de ce travail photographique l’inscrit dans une tradition marquée par l’affirmation du statut de l’auteur et de sa subjectivité. À rebours du style documentaire qui prône son apparent effacement. Robert Frank, Arnaud Claass ou le romancier et critique Bernard Lamarche Vadel, ont incontestablement marqué sa trajectoire. Il en a hérité une attirance pour l’infra-mince et la réflexion existentielle, qui sont,
pour lui comme pour eux, un moyen de caractériser le visible et tout à la fois d’exprimer un être-au-monde.

Amaury da Cunha manifeste également une attention extrême à la littérature qui l’accompagne et le guide dans son œuvre. « L’exigence fragmentaire » telle que la définissait Maurice Blanchot est pour lui le propre de la photographie. Les séquences, les agencements de ses images sont les esquisses de poèmes visuels, voire de nouvelles photographiques.

À l’instar de cette double filiation, photographique et littéraire, la pratique d’Amaury da Cunha est dialectique. Situations publiques et privées se mêlent. L’autobiographie est assurément présente même si elle reste indéchiffrable au spectateur. La conjonction d’énergies mobilisées concourt à créer des
représentations exemptes de naturalisme même s’il s’agit de ne jamais s’écarter du réel. La charge esthétique des images est ici une condition de leur indécidabilité.